Il ne manquait plus que cette créature immonde : une abomination venue de nulle part me fait face. Derrière, trois zombies me bloquent la route. Je n’aurais pas dû m’éloigner du groupe, surtout avec pour seul équipement une poêle à frire. Michel pourrait essayer de leur tirer dessus, mais il serait capable de me toucher, doué comme il est. Non, là je pense que ma dernière heure est venue. Heureusement Camille débarque avec sa tronçonneuse et décanille deux des trois zombies, me laissant entrevoir un passage. En utilisant mes trois actions, je parviens à m’extirper de ce traquenard et Michel peut facilement se débarrasser du dernier zombie avec son fusil à pompe. Reste l’abomination, la fuite est notre seule option. Le bruit généré va irrémédiablement en attirer d’autres, il faut rentrer dans un bâtiment, en espérant trouver un meilleur équipement. Mais est-ce sûr à l’intérieur ? J’en doute.

Comme prévu, les chants d’hier n’ont provoqué la tombée d’aucune goutte. Camille prétend que sa voix est trop pure et claire pour déclencher la pluie, bizarrement cela a fait exploser de rire les autres membres du groupe. Du coup, elle boude. La joie d’hier est retombée, plusieurs membres du groupe sont tombés malades. Les fruits en grande quantité, avec nos estomacs fragilisés, n’ont pas fait que du bien. Rien de grave, mais il faudrait des féculents et beaucoup d’eau, deux ressources qui nous manquent terriblement. Nous décidons de réduire notre consommation de fruits et de les faire cuire.

Du coup, entre les malades et les garde-malades, nous ne sommes que trois à jouer à Zombicide. Faut dire que l’esprit post-apocalyptique, les zombies et les règles à rallonge ont découragé de nombreux membres du groupe. Le jeu est censé être relativement long mais vu comme c’est parti, nous devrions mourir très rapidement. Note pour plus tard, foncer dans le tas sans aucun équipement n’est pas la meilleure stratégie pour affronter des groupes de zombies.  J’ai mal dormi cette nuit, l’abus de fruits sans doute, du coup ce matin je suis retourné au magasin choisir un nouveau jeu. J’étais tranquille, j’en ai profité pour regarder plus attentivement les boites et mon dévolu s’est posé sur ce gros jeu : coopératif, rempli de figurines… J’ai senti que ce serait un bon défouloir.

J’ouvre une porte à coups de haches, malheureusement derrière trois zombies nous attendent. On décide de monter dans la voiture derrière nous, cette merveilleuse invention qui nous a, en grande partie, propulsé dans la situation actuelle. Au volant, je roule à toute berzingue, les lancés de dés s’enchainent, les échecs critiques également… À croire que j’évite volontairement tous les zombies sur ma route, je suis tellement un conducteur en or, que pas un ne péri.

Nous avons réfléchi plus amplement à notre situation : rester sur Nîmes ou bouger lorsque les conditions climatiques le permettront. Nous réfléchissons sérieusement à construire notre avenir ici, reste à voir comment rendre cet espace habitable sur le long terme. Il a été décidé de se laisser l’été pour tenter de construire des équipements, notamment un puit dans le verger et d’y planter des légumes. Les tissus clairs pourraient protéger les arbres et les plantes des trop forts rayons de soleil. Et puis un groupe de couturiers sera chargé de coudre une bâche immense d’environ 2500 m². Bon, quand nous avons calculé la surface, on s’est dit que c’était probablement infaisable. Certes nous avons trouvé beaucoup de tissu, mais là c’est gigantesque. Du coup cela règle le problème de la couleur, si la toile se fait, elle sera bariolée.

Après m’être copieusement fait insulter par mes camarades survivants, ils décidèrent à l’unanimité de deux, de me faire descendre de la voiture et de m’abandonner à mon triste sort. M’en vouloir pour avoir tiré la carte abomination, trouvé aucun équipement, et n’avoir pas tué un seul zombie de la partie : franchement, c’est mesquin. Du coup, je suis mort. Mes deux compères survécurent deux tours de plus, autant dire que leur trahison ne les aura pas menés très loin.

La partie est terminée, mais ce n’est pas plus mal, nous avons décidé d’affronter la chaleur pour récupérer d’urgence des ressources pour nos malades. Tant pis pour la chaleur, il nous faudra l’affronter. Ce n’est ni prudent, ni une politique de long-terme, mais là nous jouons un jeu totalement coopératif où nos vies sont en jeu. L’idée est d’abord de remplir nos réserves d’eau, puis de la faire bouillir, en espérant que cela suffira à la rendre potable. Puis nous irons chercher des aliments. À défaut de potager, nous avons repéré de nombreux amandiers. L’idéal serait du riz, mais la Camargue n’est plus, et cela fait longtemps que cette ressource a déserté les rayons des magasins. Marie et Yassin ont toutefois décidé d’explorer un maximum d’appartements histoire de vérifier si, par le plus grand des hasards, des aliments auraient été oubliés lors des précédents pillages.

Nous arrivons au canal, ou plutôt ce qu’il en reste. Un filet d’eau continue de couler, suffisamment pour remplir progressivement nos bidons. Espérons que le débit ne diminue pas dans les semaines à venir, sans quoi cela risque de devenir vraiment très compliqué pour nous tous. Nous en profitons pour nous asperger et ainsi réduire notre température corporelle. C’est agréable de s’amuser comme des gamins avec cette eau. Une fois les bidons chargés sur notre charrette, nous prenons le chemin du retour. En chemin j’abandonne mes camarades pour entrer dans la médiathèque. J’espère trouver des livres pour construire notre avenir : sur la couture, les plantes comestibles, la culture… Mais j’abandonne vite l’idée. Cette médiathèque, conçue à une époque où le réchauffement climatique n’était évoqué que par quelques écologistes convaincus et des scientifiques inaudibles, s’est transformée en véritable serre. Même de nuit, y pénétrer sera compliqué, malgré les nombreuses vitres cassées qui permettent d’évacuer l’air. Tant pis, il y a quelques librairies sur le chemin, j’y trouverai peut-être mon bonheur mais ce sera pour un autre jour.

Démarrer un feu est relativement simple, tout est sec, et pas besoin de frotter deux bâtons l’un contre l’autre. Nous sommes modernes, nous avons des briquets et des allumettes. Même si Thierry a décidé de s’entrainer aux méthodes ancestrales, au cas où. Là il n’est pas en état de participer. Non, le problème d’un feu, c’est la chaleur qu’il dégage, et même à l’ombre, nous manquons de volontaires pour s’en occuper. Leïla et Léo décide de se relayer devant le feu. Le procédé est simple, nous avons un baril d’eau « potable ». Après avoir fait chauffer une casserole, nous y versons l’eau récoltée avec un couvercle pour limiter l’évaporation. Nous la laissons bouillir quinze minutes, puis nous la versons dans le baril. Avant nous utilisions du chlore, mais notre réserve est épuisée. Nous recommençons ainsi le processus jusqu’à ce que toute l’eau ait été purifiée.

Nous laissons Leïla et Léo à leur tâche, et prenons nos vélos pour aller vers le haut d’une colline. Nous y avons repéré de nombreuses maisons avec des amandiers. À défaut de féculents, les graines feront l’affaire. À mi-chemin nous devons nous arrêter, Matthieu a pris un coup de chaud. Nous nous posons dans un coin ombragé pour se reposer, s’hydrater et s’arroser, dans la limite du possible, nous n’avons pas pris de grandes quantités d’eau. Matthieu est un grand gaillard, jeune et plutôt baraqué, il s’en remettra. Moi-même je ne me sens pas très bien, nous avons joué avec ce feu brulant situé à près de 150 millions de kilomètres et tels Icare, nous nous brulons les ailes.

Nous sommes rentrés au campement vers minuit, accueillis par des clameurs de soulagement. Nous arrivons bien plus tard que prévu, et avec une récolte plutôt modeste. Les amandiers sont des arbres solides mais ils souffrent comme nous des conditions climatiques. La production est faible, et les animaux sont tous à la recherche de nourriture. Nous avons fait avec ce qu’il restait. Cela devrait suffire pour deux jours.