De la neige ? Je ne comprends pas… Un personnage imaginaire, du rouge, du blanc, de la neige donc et un rapport avec une date. Décidemment les jeux, ce n’est pas mon truc, je suis à la ramasse. « Le père-Noël » s’écrit Elsa. Bonne réponse, pour la énième fois… La boite blanche avait l’air sympa, mystérieuse avec son point d’interrogation, épurée, cela paraissait simple… Concept, le jeu qui fait l’unanimité des quinze membres du groupe, à l’exception près de celui qui l’a choisi, moi. Au moins tout le monde participe, je vais faire un effort.

L’humeur aujourd’hui est au beau fixe, comme le temps malheureusement. Les autres groupes ont ramené de bonnes nouvelles. Léo, Leïla et Matthieu ont trouvé un verger dans une zone plutôt humide. L’heure et l’obscurité les a empêchés d’explorer plus, mais nous irons nombreux aujourd’hui en fin de journée étudier cette potentielle providence. Thierry, Marie et Claire ont quant à eux trouvé un magasin de tissus. Généralement ce genre de boutique n’intéresse pas les pillards ; comme les jeux, cela ne fait pas partie des premières nécessités lorsque l’on part en catastrophe. Mais là, l’idée est de fabriquer une immense bâche pour recouvrir le centre de ces arènes qui nous servent d’abris. La tâche est immense, mais le temps est bien la seule chose dont nous ne manquons pas. Et si nous arrivons à abriter le centre, cela pourrait rafraichir l’ensemble du bâtiment et rendre vivable un grand lieu de vie. Avoir des projets, construire un avenir, c’est exactement ce dont chacun avait besoin à ce moment précis. Peut-être nous berçons nous d’illusions…

C’est mon tour, comment réussir à faire deviner « Pigeon » sans parler ? Bon soyons basiques, déjà il s’agit d’un animal, qui vole. Non Paul, ce n’est pas une abeille. De toute manière, des abeilles, il n’y en a plus. Alors le pigeon, c’est gros. Non Elsa, pas une autruche, cela ne vole pas une autruche. Je pose mes jetons sur le symbole de tête, et sur les flèches qui avancent et reculent. Voilà, je les ai totalement perdus. Concept est un jeu simple, qui s’explique en trois minutes et qui plait à tout le monde. Sauf moi. « Mais putain, c’est facile ! UN PIGEON ! Vous n’avez jamais vu un pigeon marcher avec sa tête qui avance et qui recule ! ». Tout le monde explose de rire et se fout ouvertement de ma gueule. Annick semble me prendre en pitié, pour mieux me tacler derrière. Cela faisait des semaines que le groupe n’avait pas été d’aussi bonne humeur. Finalement, ce choix de jeu était une excellente idée.

Après deux heures sur ce jeu, et trois parties des Aventuriers du rail, quand même, nous décidons à six de nous diriger vers le magasin de tissus. Il fait encore très chaud, un peu moins qu’hier toutefois. Après nous être aspergés, nous prenons quelques bouteilles d’eau chacun histoire d’éviter un coup de chaud. L’idée est de faire l’inventaire de ce qui pourrait nous servir avant de tous partir vers le verger tant qu’il fait jour.

Décidemment cette ville manque d’ombre, de nombreux arbres sont morts, mais si c’était le seul problème… Les places devaient être magnifiques avec leurs jets d’eau, mais sans eau, ce sont surtout des rôtissoires. Nous prenons donc les petites rues, mieux abritées, longeant les murs pour rester au maximum à l’ombre. Arrivés à destination, après seulement quinze minutes de marche, nous avons tout de même consommé la moitié de notre réserve d’eau, versée sur nos têtes respectives. Entrés dans le magasin, nous découvrons d’immenses rouleaux, de toutes les couleurs, avec tous les motifs. Vaut-il mieux des couleurs claires qui reflèteront la lumière, ou des couleurs sombres qui ne la laisseront pas passer ?

Nous ferons un choix plus tard, les rouleaux sont de toute manière intransportables, il nous faudra trouver une charrette ou assimilé. Nous prenons juste quelques échantillons, du fil, des aiguilles pour faire quelques tests. On discutera couleurs et motifs plus tard. Nous avons également trouvé un mètre, cela pourra nous servir à estimer la quantité nécessaire. Il faudra aussi trouver des cordes, mais cela ne devrait pas être trop difficile, il faut juste y penser. Il y a de nombreux magasins de bricolages dans la périphérie, encore faut-il qu’il reste du matériel.

Nous nous dépêchons de rentrer, le verger se trouve à plusieurs kilomètres et si nous voulons y être avant la nuit, il va falloir faire vite. Heureusement nous avons des vélos, c’est aujourd’hui le moyen de locomotion le plus rapide et le plus efficace. L’utilisation de pétrole a été interdite il y a cinq ans, trop tard malheureusement. Quant aux transports en commun, il faudrait encore que nous ayons des sources d’énergies, et des gens à transporter aussi… Nous arrivons sur les coups de 20h, nous sommes tous venus, l’espoir est grand, le risque de déception également. En arrivant nous constatons les dégâts d’un abandon depuis de trop nombreuses années, et de trop nombreuses périodes de sécheresse. L’herbe est haute et jaune, la moindre étincelle et tout part en fumée. La moitié des arbres sont morts, les autres se sont développés de manière anarchique. On constate toutefois une bande d’arbres qui ont plutôt bien résistés, sans doute une source souterraine leur a permis de tenir. Ce n’est pas le plus beau verger, les arbres ne sont pas remplis, mais pour un groupe de quinze personnes affamées, cela raisonne comme un jardin d’Éden. Nous nous gavons tous de figues, de prunes et de poires. Il est trop tard pour les abricots mais cela nous laisse espérer pour l’année prochaine. Cela fait au moins trois ans que je n’ai pas envisagé l’avenir à si long terme. Les cerisiers, dans un coin du champ n’ont pas survécu. Le climat n’est plus adapté pour eux non plus. Nous rentrons le ventre plein, et les sacs remplis. De bonne humeur, certains entonnant même la chansonnette. Si seulement cela pouvait provoquer un gros orage…